Parmi elles, la danse Tchébé, emblématique danse sur les échasses de la ville d’Atakpamé et de ses environs. Spectaculaire par sa forme, profonde par son essence, elle demeure aujourd’hui l’un des piliers vivants de l’identité de la région des Plateaux.
Une valorisation des atouts culturels pour la commune Ogou 2
Le groupe folklorique Oyekotan, représentant la commune Ogou 2, a brillamment décroché sa place pour la phase apothéose de la 8ème édition du Festival national de danses traditionnelles (FESNAD), à l’issue des compétitions régionales organisées le samedi 05 mars à Atakpamé. Leur arme secrète : la majestueuse danse Tchébé, un spectacle envoûtant qui a conquis le jury et émerveillé le public.
Organisé par le ministère de la Communication, des Médias et de la Culture, à travers la direction de la promotion des arts et de la culture, ce festival vise à préserver et valoriser les danses traditionnelles en voie de disparition, dans le cadre des préparatifs de la fête de l’indépendance du 27 avril.
Aux origines de Tchébé : un héritage venu des esprits
La danse Tchébé ne se limite pas à un simple spectacle folklorique. Elle trouve ses racines dans un héritage spirituel transmis par les “fées de la forêt”, selon les récits oraux des anciens. Ces entités mystiques, gardiennes de la nature et des traditions, auraient offert cette danse aux hommes il y a plus de deux siècles, comme moyen d’honorer les divinités du vaudou et les esprits de la forêt géante.
Tchébé est donc porteuse d’un message sacré. Elle représente la communication entre le monde visible et l’invisible, entre les hommes et les forces naturelles qui les entourent.
Une danse de l’extrême : l’art des échasses
Ce qui distingue Tchébé des autres danses traditionnelles, c’est sa dimension acrobatique. Les danseurs évoluent sur de longues échasses en bois, perchés à des hauteurs impressionnantes, et exécutent des figures d’une grande agilité au rythme effréné des percussions. Chaque pas, chaque mouvement, chaque saut, est chargé de symboles et de maîtrise. Ils incarnent les esprits de la forêt, les géants protecteurs de la communauté.
Au-delà de la performance, Tchébé est une discipline exigeante, transmise de génération en génération, nécessitant rigueur, équilibre et endurance. Elle est le reflet d’un art maîtrisé et d’un courage collectif.
Atakpamé, berceau et gardienne de Tchébé
Bien que l’on retrouve la danse Tchébé dans plusieurs localités de la préfecture de l’Ogou – notamment dans les villages comme Djonougbé, Gléi, Katoré ou Datcha – c’est la ville d’Atakpamé qui en reste le centre culturel et rituel. Cette ville, carrefour historique des peuples Ewé, Ifè, Akposso, Akébou, Tem et autres communautés, a toujours su valoriser le vivre-ensemble autour de valeurs traditionnelles fortes.
À Atakpamé, Tchébé n’est pas qu’un art : c’est une identité, une fierté populaire, un vecteur de cohésion sociale et un pont entre les générations. Elle est dansée lors des cérémonies initiatiques, des fêtes communautaires, des événements royaux et des grandes manifestations nationales.
Un patrimoine à sauvegarder et à transmettre
À l’heure où les traditions sont menacées par la modernité galopante, la danse Tchébé demeure un repère culturel. Des événements comme le FESNAD jouent un rôle essentiel dans la transmission de ce patrimoine aux jeunes générations. Ils permettent également de redonner à ces arts traditionnels la place qu’ils méritent sur la scène nationale.
La qualification du groupe Oyekotan à Lomé constitue ainsi un hommage vivant à cette danse, mais aussi un appel à la reconnaissance de son importance dans le patrimoine immatériel togolais.
Tchébé, l’essence d’un peuple en mouvement
Plus qu’une chorégraphie, Tchébé est une philosophie de vie. Elle enseigne l’équilibre, le respect des ancêtres, le lien avec la nature et la solidarité communautaire. Elle relie les cœurs, les âmes et les esprits autour d’un héritage partagé. Dans les rues d’Atakpamé, lorsque résonnent les tambours et que s’élèvent les échassiers, c’est toute l’âme du Togo profond qui s’exprime, danse, vibre et se transmet.
Jean-Marc EDRON