La Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) alerte : l’argent circule massivement en dehors du système bancaire, privant les guichets de liquidités malgré l’impression de nouveaux billets.

C’est un chiffre qui en dit long sur la crise monétaire actuelle : 94 % des billets émis par la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) ne réintègrent jamais les banques. En clair, le cash reste dans l’économie informelle, accumulé chez les particuliers ou dans des circuits parallèles.

Résultat : même lorsque la BCRG injecte des milliards, les guichets automatiques et les opérateurs de monnaie électronique restent à sec. « La crise actuelle du cash n’est pas une crise de production ou de distribution, mais une crise de circulation », insiste l’institution.

Cette thésaurisation massive étouffe l’économie. À Conakry, des agents de transfert témoignent : « Nos clients viennent retirer, mais il n’y a pas d’argent. Même nos partenaires n’ont pas de liquidités », explique Baldé Boubacar Siddy. L’Union des consommateurs de Guinée alerte aussi sur les risques de paralysie, certains kiosques de porte-monnaie électronique ayant déjà cessé leurs activités.

Face à cette situation, la BCRG mise sur une stratégie de long terme : promotion de la bancarisation, développement des paiements électroniques, digitalisation des transactions et restauration de la confiance dans les banques. Mais la résistance culturelle au dépôt d’argent et la méfiance envers le système bancaire compliquent la tâche.

La polémique a gagné les plus hautes sphères de l’État. Le gouverneur de la BCRG, Karamo Kaba, parle de « crise de billets », tandis que le Premier ministre Amadou Oury Bah admet l’ampleur de la crise mais rejette l’idée d’une nouvelle impression monétaire. Il promet des mesures de sortie, encore attendues sur le terrain.

En Guinée, où l’économie informelle reste dominante, la bataille contre la « thésaurisation sauvage » sera décisive pour rétablir un minimum de confiance et ramener du souffle dans les guichets.

En 2024, par exemple, les crédits accordés au secteur privé représentaient moins de 12 % du produit intérieur brut (PIB) guinéen, un niveau inférieur à la moyenne régionale d’Afrique de l’Ouest, estimée autour de 25 %. La Banque centrale insiste donc sur la responsabilité collective dans la résolution durable de la crise de cash. Elle appelle les citoyens à déposer davantage de liquidité dans le circuit bancaire, les opérateurs économiques à adopter progressivement les solutions digitales et les banques à renforcer la confiance des clients.

La Guinée affiche une croissance économique à 5,7 % en 2024 et un taux d’endettement autour de 40 % du PIB.