RFI : La Cédéao a ordonné des sanctions particulièrement sévères contre le Niger. Quelle est votre réaction ?
Ouhoumoudou Mahamadou : C’est bien dommage qu’effectivement, on en soit arrivé là. Et je pense que les uns et les autres, s’ils ont l’amour du pays, doivent réfléchir pour éviter au Niger ces sanctions. Le Niger est un pays continental, un pays enclavé. Donc, lorsqu’on dit qu’il y a embargo, fermeture des frontières terrestres, fermeture des frontières aériennes, c’est extrêmement difficile pour les populations. Et lorsque cela s’accompagne de sanctions financières, dans un pays qui a déjà une situation financière fragile, vous pouvez comprendre le désastre que cette situation pourrait provoquer.
Pour avoir été ministre des Finances, et par mes fonctions actuelles de Premier ministre, je sais que le Niger est un pays qui compte beaucoup sur la communauté internationale, particulièrement en ce deuxième semestre où généralement nous comptons sur les appuis budgétaires pour boucler le reste de l’année, des appuis budgétaires de la Banque mondiale, de l’Union européenne, de l’Agence française de développement et d’autres partenaires. Si ces appuis budgétaires n’arrivent pas, ça sera extrêmement difficile d’exécuter le budget qui a été approuvé par le gouvernement du Niger.
Donc je reste confiant que les uns et les autres vont réfléchir et trouver ce qui est le mieux pour notre pays. Et ce qui est le mieux pour notre pays, c’est de réinstaller le gouvernement démocratiquement élu, le président démocratiquement élu, le libérer, libérer les membres de sa famille et le laisser assumer ses charges et les engagements qu’il a pris vis-à-vis du peuple nigérien.
Que pensez-vous de la menace d’intervention militaire dont a fait part la Cédéao ?
Cela fait partie des panoplies d’actions qui ont été approuvées au niveau du sommet de Bissau [le 9 juillet dernier, NDLR]. Les États membres de la Cédéao ont dit qu’ils en ont assez des coups d’État, des changements anticonstitutionnels et que, désormais, lorsque cela va arriver, il va falloir réagir avec vigueur, y compris en mettant en place une force d’intervention par rapport à ce genre de situation. C’est quelque chose qui a été prévu avant même qu’il y ait eu la tentative de coup d’État au Niger. Cela a été prévu, acté en termes de résolutions des chefs d’État membres de la Cédéao, qu’on demande au président [de la Cédéao] Bola Tinubu de faire appliquer.
Et que pensez-vous de la médiation du président tchadien Mahamat Idriss Déby ?
Il y a plusieurs médiateurs dans le circuit et tous sont les bienvenus. Il y a l’ancien président Mahamadou Issoufou, qui connaît bien les acteurs, et il connaît aussi ce que cela coûte au Niger d’être dans une situation de ce genre. Il y a le gouvernement du Nigeria qui a envoyé une délégation et il y a aussi le président [béninois, Patrice] Talon qui intervient au niveau de la Cédéao. Il y a aussi maintenant le président [tchadien] Mahamat Idriss Déby qui est là actuellement au Niger et qui, de par sa neutralité, parce que le Tchad n’est pas membre de la Cédéao, est donc un acteur extérieur qui intervient pour pouvoir servir d’intermédiaire entre les différentes parties de façon neutre pour pouvoir les concilier, les amener à regarder l’intérêt du Niger, l’intérêt des populations nigériennes et éviter un drame au peuple nigérien.
À propos des populations nigériennes, vous avez constaté qu’il y avait eu des manifestations antifrançaises à Niamey. Comment réagissez-vous ?
Ces manifestations sont organisées par des groupes d’activistes. Leur objectif, c’est de casser, ce sont des casseurs dont les motivations ne sont pas forcément des motivations qui ont le support du peuple. Ce sont des motivations qui sont pilotées par des intérêts extérieurs. Je suis désolé de voir que dans leur manifestation qu’ils ont organisée, ils ont brandi des drapeaux des pays étrangers. Donc, si leur objectif est de faire venir d’autres pays étrangers dans le camp de la population avec le Niger, ils peuvent s’attaquer aux intérêts de la France sur la base aussi de leur propre agenda, pas sur la base de l’agenda du peuple nigérien.
Le peuple nigérien, en ce qui concerne tant la France que tous les autres pays qui interviennent en matière de sécurité au Niger, s’est prononcé à travers son Assemblée nationale. Là, vous avez la manifestation qui est organisée à Niamey, mais Niamey n’est pas le Niger. Vous verrez dans les jours qui viennent d’autres manifestations pour demander la levée des sanctions de la Cédéao, pour demander à ce qu’il y ait la réconciliation entre les différents acteurs afin que le peuple nigérien ne souffre pas. Et là, vous verrez le peuple nigérien.
Source: RFI.FR