L’enregistrement des faits d’état civil se définit comme l’inscription continue, permanente, obligatoire et universelle de l’existence et des caractéristiques des faits d’état civil relatifs à la population, conformément aux dispositions législatives et réglementaires de chaque pays. La 8e session de la commission de statistique pour l'Afrique, tenue en 2022 recommande aux Etats de publier régulièrement des statistiques de l'état civil à partir des registres d'état civil des naissances, des mariages, des divorces et des décès, y compris les causes de décès, même incomplètes, en tant que stratégie à adopter pour renforcer et accélérer l'amélioration des systèmes CRVS dans les pays africains. Egalement, les États africains devraient renforcer leur capacité (à tous les niveaux) à produire des statistiques de l'état civil et adapter les directives mondiales existantes au contexte africain. Dans ce cadre, sous l’initiative des partenaires de la plateforme APAI-CRVS à savoir la CEA, l'UNFPA, l'UNICEF, l'OMS et Vital Strategies, un atelier régional de renforcement des capacités des acteurs des services nationaux de statistique des pays francophones d'Afrique impliqués dans la gestion des systèmes de données se déroule du 07 au 11 août 2023 à Lomé (Togo). « L’état civil, est une source fiable des statistiques et démographiques pour suivre les programmes de développement et tous les problèmes liés aux programmes. C’est aussi l’objectif de cette formation au Togo. Après la formation, nous allons accompagner les pays techniquement mais aussi collaborer avec les parties prenantes et les accompagner financièrement à produire des données statistiques d’état civil. Il est prévu d’ici 2024, que chaque pays puisse produire au moins un premier rapport des données statistiques d’état civil », a expliqué David NZEYIMANA, Expert en renforcement des capacités en enregistrement des faits d’état civil et Identité Juridique à la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) dans une interview exclusive à la rédaction du journal Economie et Développement.
Quelle est la pertinence de la réunion régionale de Lomé sur les CRVS ?
David NZEYIMANA: La formation est organisée pour renforcer les capacités des institutions nationales qui sont des organisations qui produisent des statistiques officielles de nos pays et également aux officiels d’états civils qui produisent les données sur les faits d’enregistrement des états civils. Ils sont dotés d’outils leur permettant de pouvoir collecter, analyser et disséminer les statistiques d’état civil qui sont basées sur les registres d’état civil. Cette formation a été organisée avec les partenaires comme à savoir la CEA, l'UNFPA, l'UNICEF, l'OMS et Vital Strategies dans le cadre d’aider les pays à produire les statistiques sur les faits d’état civil de façon annuelle. Il s’agit de renforcer la collaboration entre les deux services les statistiques et l’état civil pour un travail en synergie, de partage des données, dans une étroite collaboration à collecter, analyser et interpréter, à produire les indicateurs et suivre les profils démographiques de chaque pays. Avec l’état civil on n’est capable de suivre les programmes de développement nationaux et régionaux, bref nous donnons des compétences pour pouvoir valoriser les systèmes d’état civil. Avec les engagements des pays à mettre en œuvre les ODD depuis 2015, seulement 64% des indicateurs de développement durable du système d’enregistrement des faits d’état civil sont bien fonctionnels.
Quels sont les problèmes auxquels sont confrontés les acteurs de CRVS en Afrique?
David NZEYIMANA: Le problème de la collaboration est primordial entre les parties prenantes et les acteurs de l’état civil. L’état civil est un système multisectoriel qui comprend plusieurs services notamment la santé, la justice, le ministère responsable de l’état civil. Cela exige une franche collaboration pour rationaliser l’utilisation des ressources en vue de financer les états civils. A cela s’ajoute la question de priorisation de l’état civil. Nous faisons des enquêtes, des recensements au niveau des pays mais ces sources de données utilisées ne sont pas fiables d’où la nécessité de disposer un état civil bien fonctionnel qui permettra de pouvoir gérer les données de qualité, fiables en temps réel jusqu’au niveau national alors que le recensement ne donne pas des données jusqu’au niveau des villages, cantons, quartiers alors qu’avec l’état civil, c’est une source fiable des statistiques et démographiques pour suivre les programmes de développement et tous les problèmes liés aux programmes. C’est aussi l’objectif de cette formation au Togo. Après la formation, nous allons accompagner les pays techniquement mais aussi collaborer avec les parties prenantes et les accompagner financièrement à produire des données statistiques d’état civil. Il est prévu d’ici 2024, que chaque pays puisse produire au moins un premier rapport des données statistiques d’état civil.
En quoi les modules développés pourront aider les pays à mieux produire les données statistiques de l’état civil
David NZEYIMANA: Nous avons des outils et standards qui ont été élaborés dans le cadre du programme régional d’accélération améliorée d’enregistrement des faits d’état civil. Nous avons organisé des conférences des ministres depuis 2010 et il est recommandé que les pays soient renforcés à produire les statistiques de l’état civil. Des modules élaborés par exemple « le cadre d’amélioration des services d’état civil », disponible en ligne, « outil de production des statistiques des données d’état civil », « les guides », « outil qui montre les contenus d’un rapport des données statistiques d’état civil »… ces outils sont élaborés pour appuyer les pays à produire les données statistiques d’état civil. D’autres outils sont conçus pour la collecte des données statistiques de l’état civil plus particulièrement, les données sur les causes des décès. On a l’outil de la gratification internationale des maladies qui permet d’analyser et produire les données statistiques sur les causes des décès, l’outil sur l’autopsie verbale accessible en ligne et qui renseigne sur les évènements qui surviennent dans la communauté, un autre outil qui renseigne sur les causes des décès qui surviennent dans les structures sanitaires, par exemple comment remplir le certificat médical de décès, l’outil sur la digitalisation également disponible. Nous sommes en train d’orienter les pays sur ces différents outils tout au long de cette formation mais aussi son utilisation et développer les mécanismes de suivi. Prochainement, une formation sera organisée spécifiquement sur les causes des décès pour approfondir ce champ vaste de la problématique selon la recommandation de cet atelier. Egalement, cet atelier a servi de former les formateurs des Institutions Nationales de la Statistiques (INS) qui seront des relais auprès du personnel des bureaux des états civils et autres.
Pourquoi l’état civil fait partie des meilleures sources de données statistiques ?
David NZEYIMANA: Les données basées sur les statistiques des états civils sont les plus fiables puisqu’elles sont collectées par exemple lorsqu’un enfant est né les informations sont enregistrées sur place et lorsqu’il y a un décès, il existe les procédures d’enregistrement des décès. Dès lors, chaque évènement enregistré se fait de façon continue et à temps réel et donne des statistiques fiables puisque l’information collectée par les officiels de l’état civil est permanente. Lorsqu’on a un état civil bien fonctionnel, il est possible de dénombrer la population sans recourir obligatoirement au recensement. Suivre les indicateurs démographiques, le taux de natalité, de mortalité, de fécondité... ce sont des statistiques traditionnellement obtenues par le biais des recensements et des enquêtes démographiques mais avec un état civil fonctionnel on serait capable de suivre et de calculer avec exactitude le nombre de la population. Avec les recensements et enquêtes, il y a des problèmes qui surgissent tels que les repères, l'échantillonnage alors qu’à l’état civil renseigne sur toute la chaine de la structure décentralisée.
Comment la digitalisation peut révolutionner les états civils dans les pays ?
David NZEYIMANA: Je dirais que la digitalisation est un facteur pour améliorer le système d’état civil, une facilité pour atteindre la couverture universelle de l’enregistrement des faits d’état civil parce que c’est important d’avoir un système d’état civil permanent et bien fonctionnel qui couvre l’étendue du territoire d’où la nécessité d’utiliser la digitalisation, aussi permettre à la population de faire les déclarations des faits d’état civil, à travers la technologie mobile et en la matière certains pays connaissent des avancées notables comme le Kenya, la Côte d’ivoire, le Sénégal… la digitalisation permet de produire les actes de naissance, partager les informations entre les acteurs prenantes et de faire la remontée facile des informations sur toute la chaine sans toutefois se déplacer avec des documents. Les états civils doivent se doter également d’une plateforme digitale pour la centralisation des données et à transmettre à temps réel et permanente aux institutions nationales de la statistique en cas de besoin, aussi protéger la vie privée des informations à caractère personnel. En outre, sans s’oublier que dans nos pays, des évènements peuvent surgir à tout moment, l’incendie par exemple qui pourrait détruire complètement les registres d’état civil, voilà pourquoi c’est si important de digitaliser les états civils pour préserver les dossiers administratifs et assurer l’universalité permanente en terme de couverture.
Propos recueillis par GADAH Joseph