Vert-Togo : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le Programme d’Investissement Climat de la Banque Ouest Africaine de Développement au Service des États et promoteurs privés de l’UEMOA ?
Ibrahim Traore : Il s’agit d’un programme de 1 800 milliards de FCFA sur trois (3) ans visant à renforcer la résilience climatique des huit (8) États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et à promouvoir le développement durable.
Les financements proviendront du secteur privé, de mécènes et de mécanismes financiers climatiques comme le Fonds Vert pour le Climat (FVC), le Fond d’Adaptation (FA) et le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), afin d’apporter de la concessionnalité aux projets climat. En tant que principale Entité accréditée d’accès direct aux trois fonds multilatéraux en faveur du climat (FVC, FEM, FA) sous la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en Afrique de l’Ouest, la BOAD peut mobiliser jusqu’à 250 millions de dollars par projet grâce à sa ré-accréditation auprès du FVC avec un rehaussement du niveau de ré-accréditation sur le plan de la catégorisation environnementale et sociale des projets.
Depuis 2017, la BOAD a obtenu l’approbation de 192 millions d’euros (126 000 millions FCFA) en financements sous forme de dons ou de ressources très concessionnelles. De plus, le Fonds d’Études Climat (FEC), adopté en 2023, octroie des prêts remboursables à taux zéro pour la réalisation des études de faisabilité en vue d’accélérer la préparation et la bancabilité des projets climat. La Banque explore également des instruments financiers innovants, comme les obligations vertes, pour attirer des capitaux privés et propose le renforcement des capacités locales en matière de gestion et de financement des Programmes d’Investissements Climat.
Vert-Togo : Quels sont les objectifs principaux de ce Programme d’Investissement et comment espérez-vous qu’il contribuera à lutter contre les défis du changement climatique dans la région ?
Ibrahim Traore : Il s’agit principalement de renforcer la résilience climatique des pays membres de l’UEMOA, de promouvoir le développement durable et de contribuer activement à la réalisation des objectifs climatiques mondiaux, tels que ceux de l’Accord de Paris inscrit dans les Contributions Déterminées au niveau National (CDN) des États.
L’investissement de 1 800 milliards de FCFA dans les Programmes d’Investissements Climat Pays vise à financer des projets alignés sur les priorités nationales (notamment les CDN et les stratégies nationales de développement bas-carbone) réduisant les émissions de gaz à effet de serre et augmentant la résilience des communautés vulnérables. La BOAD soutient l’intégration de pratiques agricoles durables, l’amélioration des infrastructures résilientes et le développement de sources d’énergie renouvelable. En facilitant l’accès aux financements climatiques internationaux et en renforçant les capacités techniques des États membres, la BOAD crée un environnement propice à l’innovation et à la mise en œuvre de solutions climatiques efficaces, contribuant ainsi à une croissance durable et résiliente dans la région.
Vert-Togo : Quels sont les États membres et les secteurs économiques principalement ciblés par ce Programme d’Investissement et pourquoi ont-ils été sélectionnés ?
Ibrahim Traore : Les actions entreprises incluent le développement de pratiques agricoles durables, l’installation de sources d’énergie renouvelable, la gestion des risques de catastrophes et la construction d’infrastructures résilientes.
Un exemple concret est le Programme d’Investissement Climat au Bénin, où la BOAD s’engage à mobiliser des ressources auprès des fonds multilatéraux pour financer les études de faisabilité et la mise en œuvre de projets alignés avec les priorités nationales et la CDN du Bénin. La BOAD a identifié un pipeline de projets climatiques au Bénin dans les secteurs de l’eau, de l’agriculture et de l’efficacité énergétique, pour un montant total de 431 milliards de FCFA. Ce pipeline comprend des études matures et des études à maturer, et bénéficie d’un soutien technique et financier sur mesure avec une enveloppe de 650 millions FCFA pour le développement de projets matures en collaboration avec le Fonds Vert pour le Climat (FVC).
En plus de ces initiatives, la BOAD facilite l’accès aux financements climatiques internationaux et offre un soutien technique pour intégrer les considérations climatiques dans les politiques et stratégies de développement des États membres.
Vert-Togo : Comment ce Programme d’Investissement s’aligne-t-il avec les engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique, tels que l’Accord de Paris sur le Climat ?
Ibrahim Traore : Le Programme s’aligne avec les engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique, notamment l’Accord de Paris. En investissant dans des initiatives qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre et augmentent la résilience climatique, la BOAD contribue directement à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Le Programme d’Investissement soutient les États membres de l’UEMOA dans la mise en œuvre de leurs CDN, en fournissant des financements et une assistance technique pour développer et exécuter des projets climato-intelligents.
La BOAD adopte également des pratiques de finance verte conformes aux normes internationales, et son Fonds d’Études Climat facilite l’intégration des mesures d’adaptation et d’atténuation dans les projets. En alignant ses actions sur les objectifs globaux de lutte contre le changement climatique, la BOAD démontre son engagement à soutenir une transition vers une économie bas-carbone et résiliente aux impacts climatiques.
Vert-Togo : Quels sont les défis rencontrés lors de la mise en œuvre de ce Programme d’Investissement et comment sont-ils surmontés ?
Ibrahim Traore : La mise en œuvre du Programme d’Investissement Climat de la BOAD rencontre plusieurs défis, notamment les contraintes financières qui sont un obstacle majeur, les capacités institutionnelles limitées, l’accès aux données climatiques précises, et les crises politiques qui ralentissent les processus programmatiques dans certains États.
Pour surmonter ce défi et assurer le succès de ses initiatives climatiques dans la région ouest-africaine, la BOAD adopte une approche collaborative, renforce ses partenariats, en travaillant activement sur plusieurs leviers :
Mobiliser des financements supplémentaires auprès des partenaires internationaux et à attirer des investissements privés ; pallier le manque d’expertise technique de nombreux États membres et améliorer les compétences des acteurs locaux en organisant des programmes de renforcement des capacités et des ateliers de formation ; faciliter la collecte et l’analyse des données climatiques, cruciales, auprès d’institutions de recherche ;
Interview réalisée par Hector NAMMANGUE